Les Juifs de Chernigov

Les juifs de Chernigov sont des multiples rescapés, du nazisme, du communisme, de l’indifférence du monde. De nombreux juifs sont actuellement déconnectés, certains ne sachant même pas leur appartenance au Peuple Juif. Grâce à l’action du Rabbi de Loubavitch, des émissaires décident de leur consacrer leur vie entière dans différents endroits du monde. La première mission est donc de retrouver ces personnes et de leur apprendre leurs racines et leur faire retrouver la pratique religieuse perdue par leur famille depuis près d’un siècle. Les Juifs de Chernigov ont tous une histoire à raconter, celle d’une enfance déconnectée de toute vie religieuse, leur rencontre avec le Rav Silberstein, leur retour progressif au décours d’un hasard, mais est-ce bien un hasard ?

Michail Dudchin

Je suis né en 1970 dans une famille juive. Ma seule relation au judaïsme était alors de voir des livres juifs dans la maison de mes grand-parents. Enfant, je mangeais de la matza mais sans savoir ce que c’était ni pourquoi. J’ai souvent expérimenté l’antisémitisme, c’était quotidien à l’école. A l’armée, c’était constant, surtout parmi les officiers. Après l’armée j’ai pu aller en Israel, je m’y suis marié avec Anya. J’ai eu ma brith-mila quelques semaines avant mon mariage.

En 1993, nous sommes retournés en Ukraine, mais je sentais que quelque chose me manquait. Pour remplir ce vide, je me suis mis à prier, d’abord tout seul à Yom Kippour, puis nous avons constitué un groupe, avec essentiellement des hommes âgés, et nous avons prié ensemble dans un sous-sol pour les fêtes. J’ai commencé à travailler dans l’école juive et, progressivement, je me suis rapproché du judaïsme et des mitsvoth. J’ai mis les tefilin tous les jours et finalement je porte une kippa en permanence. Quand Rabbi Silberstein est arrivé à Chernigov, j’ai été élu président de la synagogue et j’ai commencé à venir aux offices tous les chabat. J’essaie de préserver le chabat et la cacherout. Tous les chabat, ma femme allume les bougies, nous nous asseyons en famille pour le repas. Nous faisons le kiddouch et, à la fin de chabat, la havdallah. Je porte la barbe et je prie tous les jours. J’assiste aux cours du kolel du rav Silberstein tous les jours, et j’enseigne même le houmach.

Un jour, nous avons réalisé en famille une grande mitsvah, le pydion haben pour les membres de notre famille qui n’avaient pas eu la chance de le faire étant bébé : mon beau-père, mon fils et moi-même. Lorsque j’envisage le futur, je voudrais continuer à progresser dans le judaïsme. Je voudrais que mon fils continue dans cette voie. Je peux même aujourd’hui lui poser des questions, actuellement nous sommes dans le « na’hat », j’espère bientôt une houppah pour lui. J’ai aussi une fille de 12 ans et je rêve aussi pour elle d’une vie juive pleine et entière. J’espère aussi que notre communauté va continuer à grandir et à regrouper de plus en plus de juifs. J’envisage même le jour où nous n’aurons plus à nous soucier d’avoir un mynian à chaque office.

Ragavoy Maksim David

J’ai 24 ans. Quand j’avais 6 ans, mes parents ont décidé de m’inscrire à une école juive. C’est alors que j’ai appris, pour la 1ère fois, que j’étais juif. A 8 ans, j’ai décidé de faire ma brith-mila. J’ai beaucoup insisté auprès de mes parents qui ont fini par accepter. Ma sœur et moi avons commencé à enseigner à nos parents les traditions juives.Ma bar-mitsvah a été exceptionnelle. Elle a eu lieu à côté de la tombe de Rabbi Levi-Itshak de Berditchev, avec des chants et des danses. J’ai fréquenté le Gan Israel pendant plusieurs années. C’est là que je me suis senti le plus juif. J’ai continué l’école juive jusqu’au collège. A l’approche du bac, j’ai réfléchi à plusieurs options : faire l’alya, ou aller à l’université juive d’ukraine. Pour des raisons familiales, je suis resté à Chernigov, à l’université locale. En faisant cela, je suis certainement resté plus attaché au judaïsme que si j’étais parti.Je continue à étudier la Thora. Initialement j’ai rejoint le STARS program (programme d’études juives pour jeunes), puis le kolel. Je suis très reconnaissant à mes parents de m’avoir permis une éducation juive, si différente de celle de mes amis non-juifs. Ma sœur est devenue pratiquante, et m’influence beaucoup. Je me sens débiteur de la communauté juive qui m’apporte une meilleure connaissance et une meilleure éducation juive. Je me suis senti investi d’une mission pour elle, celle d’éduquer une nouvelle génération juive, d’une génération de juifs fiers.

Aujourd’hui, j’étudie dans une Yeshiva à Jerusalem, dans le cadre du programme Massa. Je voudrais faire mon alya et rester en Israel.

Shimshon Vladimir Dimidenko

Je suis né en 1956. A l’âge de 5 ans, j’embêtais mon camarade de classe parce qu’il était juif. C’est alors que ma grand-mère m’a dit que j’étais moi-même juif. J’étais antisémite comme tout le monde et je ne savais rien du judaïsme. Par la suite, j’ai envoyé ma fille Julia dans une école religieuse en Israel. Elle avait alors 16 ans et a étudié là-bas pendant 10 ans. Elle est revenue à Chernigov et s’est mariée.J’ai visité le Kotel pour la 1ère fois dans les années 90. J’ai prié Hashem du fond de mon cœur car je m’étais rendu compte que ceux de ma famille qui y avaient prié avaient été exaucés. Les années passaient et, malgré ses souhaits, ma fille ne parvenait pas à avoir d’enfant. Lorsque je suis retourné au Kotel une seconde fois, j’ai cette fois-ci prié pour qu’elle ait un enfant. Peu de temps, après elle était enceinte. A la synagogue, j’ai fait le vœu  que, si elle avait un garçon, je ferais ma brith-mila le même jour que mon petit-fils. Un beau jour de printemps, mon petit-fils Eliyaou a été nommé après une brith-mila pleine d’émotion. Le jour même, je reçus la brith-mila et un nouveau nom, Shimshon.

Leonid Leib Zvinyantsy

Je suis né en 1946 dans une famille juive de Chernigov. Toute ma famille est originaire de la ville. Chernigov était un grand centre juif avant la révolution soviétique. Mes parents et mes grand-parents avaient l’habitude de prier dans la grande synagogue centrale. Ma mère m’a raconté comment ils transportaient de l’eau bouillante pour cachériser les ustensiles pour Pessah. Le cimetière est rempli de tombes de rabbins célèbres. Pendant la guerre, ma famille a fui les nazis et s’est réfugiée dans un petit village de la région juive autonome, près de Birobidjian. La population était peu nombreuse, et la vie juive très limitée, il n’y avait ni rabbi ni mohel. Quand j’avais 6 mois, nous sommes retournés à Chernigov. Mon frère aîné avait fait sa brith-mila mais, pour moi, il n’y avait pas de mohel possible.

Après la guerre, nous avons essayé de garder notre judaïsme vivant, autant que faire se peut. Nous avons organisé des mynians clandestins dans différentes maisons. Je me souviens de Pourim de l’enfance avec des masques portés par les membres de la famille. Mon oncle qui était plus observant essayait de célébrer toutes les fêtes. Nous avons parfois reçu des matsoth de Leningrad, c’était dangereux mais parfois possible. Le simple fait de maintenir des traditions juives pouvait amener à un interrogatoire par le KGB. La vie juive n’était pas facile. J’ai ressenti et subi l’antisémitisme toute ma vie. Il y avait également une peur permanente. En Ukraine il était quasiment impossible pour un juif d’aller à l’université. Quand Israel est devenu plus fort, l’antisémitisme est devenu encore plus présent. J’avais envie de quitter l’URSS mais c’était impossible, il n‘y avait aucune liberté.

J’ai été enrôlé dans l’armée soviétique pour aider à nettoyer le site de Chernobyl après l’accident nucléaire. Nous n’avions aucune protection, si ce n’est un masque qui couvrait à peine le nez et la bouche. Aujourd’hui, à cause des radiations je suis légalement aveugle. Théoriquement, je devrais avoir droit à une pension, mais en pratique, je n’ai rien reçu.

J’ai repris contact avec mon héritage juif. J’ai reçu la brith-mila à 60 ans. Je fréquente la synagogue tous les chabat et fêtes et j’emmène mon petit-fils aux programmes juifs qu’elle organise. J’aimerais que mes petits-enfants conservent cet héritage car, pendant des années, c’était simplement impossible. Je suis heureux de la renaissance de la vie juive ici, qui va permettre aux nouvelles générations de retrouver notre fierté.

Ella Litvinchuk

Je suis née en 1959. J’ai été mis en contact avec la communauté juive il y a 2 ans seulement, bien que cette communauté existe depuis longtemps. Je suis venue à la synagogue pour acheter de la matsa avant pessah. J’ai alors rencontré le Rav Silberstein et il m’a invitée à participer à différents programmes. C’était nouveau pour moi.

J’ai commencé à célébrer les fêtes juives et j’ai beaucoup aimé cela. J’étudie parfois la Thora avec Aliza. Elle nous apprend très bien et donne beaucoup d’explications. J’aime beaucoup se scours. Parfouis les notions sont difficiles à enregistrer, mais je suis contente d’apprendre à mon rythme, petit bout par petit bout. Actuellement, je suis heureuse de connaître un peu mieux mon héritage juif et d’essayer de vivre selon nos commandements. Je suis très enthousiaste à voir se développer une telle communauté à Chernigov. Puisse D.ieu faire que cela continue et se développe encore plus !

Bogdan Binyomin Dudchin

J’ai 24 ans et je suis né dans l’une des familles juives de la ville. J’ai étudié à l’école juive dans laquelle mes parents enseignaient. Notre famille a progressivement pratiqué de plus en plus de mitsvoth. Quand j’ai eu 6 ans, nous avons arrêté de manger du porc. Mon père a commencé à porter la kippa et a cessé de fumer chabat. Depuis 2 ans, j’ai commencé à devenir religieux, à assister aux offices des fêtes et je les apprécie vraiment. J’ai commencé à porter les tefilin, d’abord 3 fois par semaine, puis tous les jours, j’ai aussi arrêté de fumer le chabat.

Un jour, un déclic a eu lieu et je suis devenu chomer chabat. Je suis aussi devenu volontaire à la synagogue. Ce travail me permet d’aider d’autres juifs et de pouvoir mener la vie juive qui me convient. Je suis surveillant à temps plein aujourd’hui et je rends visite aux juifs de la ville pour leur apprendre la thora et les aider à porter les tefilin ou à accomplir d’autres mitsvoth. Je me sens partenaire de la renaissance juive de Chernigov. J’ai le sentiment d’avoir aujourd’hui trouvé ma place.

Baranov Velvel Vladimir

Je suis né en 1957. Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours su que ma mère était juive. Je me souviens de notre voisin l’appelant « sale juive ». Mon père n’était pas juif. Ma mère a élevé 3 enfants et juste essayé de survivre. Ma grand-mère a quitté l’Ukraine pour aller en Russie quand j’avais 9 ans. Pour la première fois j’ai alors goûté de la matsah. Je ne sais toujours pas comment elle avait réussi à s’en procurer. Malgré notre voisinage, ma mère était assez bien respectée. Elle avait l’habitude d’aider nos voisins plus pauvres encore en leur donnant des vêtements. Je n’ai pas trop souffert de l’antisémitisme mais je me souviens avoir protégé un voisin juif de l’antisémitisme des autres enfants.

A l’époque je ne me considérais pas comme juif mais comme un citoyen soviétique. A cette époque, il était préférable de garder secrète son identité juive. A la chute de l’URSS, j’ai vécu l’émergence de mon identité juive. Ma fille a fait son alya. J’ai commencé à emmener mon fils au talmud thora du dimanche et je sais qu’il fera aussi son alya un jour ou l’autre. En 2015, je fêtai Pourim pour la 1ère fois. Je devins alors un membre actif du kolel et j’essaie aujourd’hui de ne manquer aucun cours ou évènement communautaire. Je me sens devenir plus spirituel, j’essaie d’analyser mes actions pour être meilleur et d’observer les fêtes du mieux que je peux. C’est difficile de changer mais je sens être sur le bon chemin…

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